Si personne ne réagit à l’abus, il n’y a pas de problème. L’affaire est automatiquement classée. La personne abusive n’a aucun mal à intégrer son acte, à le justifier et à passer à autre chose. Sa conscience n’en souffre aucunement. Il ne faut surtout pas s’attendre à un revirement de sa part. 

Droits légitimes

Les problèmes de la personne abusive commencent véritablement lorsque l’acte qu’elle a commis n’est pas accueilli avec la même indifférence. Dans un état de droit, les victimes s’expriment et exigent que justice soit faite. Il est alors possible de mettre en évidence le comportement de la personne abusive. Au désir de vouloir classer l’affaire, s’oppose donc naturellement la volonté de ceux qui revendiquent une reconsidération des faits. À leur manière, les victimes désirent elles aussi « classer l’affaire », mais comprenons-nous bien ce processus acquiert chez elles une toute autre signification. 

Ce que la personne abusive exige de la victime, c’est simplement qu’elle laisse tomber et qu’elle renonce à ses droits légitimes. Dans le meilleur des cas, c’est-à-dire quand la personne abusive n’a pas coupé tout dialogue avec la victime, elle dira qu’elle a des circonstances atténuantes. Après tout, ce qu’elle a fait n’est pas si grave, il y a pire. Il faut tourner la page. Si vous insistez, elle vous traitera de personne revancharde, incapable d’oublier. Essayez donc de prendre la vie du bon côté, lorsqu’un individu vous a nui, parfois gravement et qu’il ne veut pas faire amende honorable.

Projection

Finalement, face à votre entêtement et votre volonté de lui faire comprendre le sens de ses actes, la personne abusive finira par éluder sa responsabilité en la projetant sur les autres et sur vous-même. Dans ce dernier cas, elle n’hésitera pas à couper les ponts avec tous ceux qui lui remémorent sa mauvaise action.

Dans le but de vous faire endosser le rôle du méchant, la personne abusive prendra plaisir à vous provoquer, voir à semer la zizanie autour de vous. Elle cherchera des appuis auprès de vos proches. Elle fera tout ce qui est en son pouvoir pour monter ces personnes contre vous. Toutes ces manœuvres de diversion sont effectuées dans l’unique but d’éviter d’assumer les conséquences de ses actes. 

N’importe quelle personne normalement constituée est prête à endosser ses erreurs, quand cela lui permet de sauvegarder ses relations. Il en va cependant tout autrement avec les personnes dont nous parlons. Comme les enfants obstinés, elles ne parviennent pas à saisir les avantages d’un mea-culpa. C’est leur volonté qui prime sur celle des autres, indépendamment de toute autre considération. 

Ceci est sans doute le constat le plus amer, et aussi le plus symptomatique lorsque l’on est confronté à une personne abusive. En dépit du bon sens, leur perception reste diamétralement opposée à la vôtre. Vous ne pouvez que constater l’impossibilité de changer ces personnes. 

Toute personne raisonnable devrait infléchir sa manière de voir si des arguments nouveaux permettent d’apprécier différemment la situation. Or la personne abusive ne veut pas faire ce cheminement mental, elle est totalement incapable de voir autre chose que son point de vue. Si la personne abusive s’oppose à toute réflexion, c’est que ce processus d’introspection menace des croyances profondément enracinées. Son image risque d’en pâtir et cette seule idée est insupportable.
La croyance irrationnelle est plus forte que les faits. Elle est d’autant plus nécessaire que sans elle, la tromperie et l’abus sont mis à jour. Une personne abusive se fait donc un point d’honneur de défendre bec et ongles ses acquis, même quand ils sont obtenus avec la  mauvaise foi et la malhonnêteté.

Croyances erronées

Cette attitude d’entêtement viole un des principes essentiels de honnêteté intellectuelle et développe les croyances erronées suivantes :

1. Une décision manifestement injuste devient juste, parce que des observateurs se sont fait manipuler par la personne abusive et qu’ils la défendent.

2. Une décision de justice est définitive et ne peut être contredite ou modifiée, même lorsqu’elle a été acquise par la fraude et qu’elle a produit des conséquences fâcheuses, en sanctionnant des personnes innocentes et en ne punissant pas un comportement répréhensible.

3. L’impunité est une preuve définitive de l’honnêteté et de la probité de celui qui en bénéficie. Ceci est donc propice à le disculper, à le blanchir, et à valider moralement un comportement abusif.

4. Une victoire obtenue par la tromperie est valable, autant qu’une décision juste, et elle le reste tant que personne n’est capable de détecter la supercherie.

Une affaire injustement classée qui est bénéfique à celui qui en profite influence également son comportement futur, car elle lui apporte une reconnaissance, une légitimité et une considération qui est une incitation à défier la justice et à la transgresser de nouveau. Elle motive le comportement de la personne abusive de cette manière :

1. Elle ne voit aucune  raison de ne pas reproduire la transgression.
2. Elle coupe tout contact avec ceux qui contestent la légitimité de l’issue obtenue.
3. Elle menace de rétorsion tous ceux qui s’aventurent à remettre en doute la version officielle et  qui recherchent la vérité.
4. Elle ne se remet pas en question, en raison de la gratification obtenue, et ne s’interroge pas sur les causes et les conséquences de son acte.
5. Elle répand ce mensonge autour d’elle, afin de noyer dans l’œuf toute velléité de contestation publique.

Comment classer l’affaire lorsque l’on a  subi une injustice et que l’attitude de la personne abusive rend toute résolution illusoire ? 

Nous avons vu que cette impasse vient de la non-reconnaissance des faits, qu’il est parfois difficile d’établir ou de démontrer, car les preuves incontestables manquent.

À ce stade, se rendant compte de la mauvaise foi patentée de la personne abusive, la victime peut choisir de classer l’affaire de différentes manières :

1. La victime cherche une solution devant les tribunaux, si l’abus a causé des torts difficilement acceptables.
2. La victime coupe tout contact avec une personne incapable d’assumer ses responsabilités et de voir la réalité en face.
3. Par curiosité intellectuelle,  la victime  décrypte le mode opératoire de ce genre d’individu afin de s’en prémunir dans le futur.

Démarche à suivre

Lorsque nous sommes confrontés à une personne incapable de se remettre en question et de reconnaître son comportement abusif, il est préférable d’appliquer la démarche suivante :

1. Passer de l’affectif au factuel
Tant que nous sommes influencés par nos sentiments et nos émotions nous perdons l’objectivité nécessaire pour établir les faits et pour déterminer le mode opératoire de la personne abusive.

2. Rétablir la vérité quand cela est utile
Il ne sert à rien de s’acharner sur des causes futiles, dont la portée est dérisoire. Quand la vérité est bafouée, et que des personnes dans l’ignorance en souffrent, cela mérite incontestablement de faire l’effort de rétablir la vérité. Dans les autres cas, il s’agit d’une simple curiosité intellectuelle. Ce qui est aussi acceptable, bien qu’il ne faille pas pousser trop loin le bouchon, car cela risque de se transformer en jeu de poker menteur et risque de se retourner contre celui qui s’y adonne. Une alternative encore moins honorable est de transformer la recherche de la vérité en une lutte égocentrique pour servir sa fierté personnelle.

3. Passer à autre chose
Cet aspect est assez délicat, car comment déterminer le moment où il faut vraiment classer une affaire ? 
Il faut d’abord veiller à ne pas classer trop tôt  une affaire non résolue, car de nouveaux éléments peuvent faire leur apparition. Parfois inattendus, ils offrent une autre perspective sur la question.  Il est alors conseillé de garder un œil attentif et à un moment propice,  ressortir l'affaire du placard où on l'avait rangée. 
Classer l’affaire est donc avant tout de manifester la volonté de passer à autre chose de plus constructif. Ce besoin est d’autant plus impérieux lorsque l’on assiste à un pitoyable déni et où les perspectives d’amélioration sont visiblement inexistantes. Le problème qui se pose est alors celui-ci : quelle est la finalité d’une relation incapable d’évoluer vers une compréhension mutuelle, malgré tous les efforts qu’un des protagonistes a consenti ?

Manifestement l’affaire ne sera jamais classée avec le concours d’une personne incapable de se remettre en question et d’assumer ses erreurs. Ceci ne signifie pas pour autant que celui qui a soulevé la problématique et qui a souhaité une reconsidération des faits ne puisse pas de son côté effectuer le cheminement mental qui le libère définitivement d’une situation sans issue. C’est un choix personnel que chacun est parfaitement libre de le faire, sans haine et avec le sentiment du devoir accompli.